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Entretien avec Zacharia Alahyane, membre du collège de l’Arcep

Entretien M.Alahyane pour Dorsal

L’Arcep («Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse») est une autorité indépendante qui veille au bon fonctionnement des réseaux numériques en France : télécoms, internet, partage de données, courrier et presse.

Son ambition à l’horizon 2030 est de veiller à doter le pays des infrastructures numériques pour les décennies à venir et de s’assurer qu’Internet reste un espace de libertés. Ces infrastructures d’accès à internet fixe et mobile, au cloud, à des services d’IA et de partage de données doivent être accessibles partout, pour tous et pour longtemps. Monsieur Zacharia Alahyane, membre du collège de l’Arcep, nous partage la vision de l’Arcep sur les tarifs, la qualité de raccordement et sa vision sur les prochaines étapes. 

Les perspectives et les enjeux sur les tarifs d’accès aux réseaux fibre sont au cœur des débats entre collectivités, opérateurs et régulateur. Quelle est la position de l’Arcep ?

La Cour des comptes relève dans son rapport d’avril 2025 que « Plus de dix ans après son lancement, le Plan France très haut débit est un succès en termes de déploiement du réseau de fibre optique ». Cette réussite tient notamment à des choix politiques forts qui se sont traduits par une mobilisation unique en Europe de financements publics et privés.

Avec 90% des locaux raccordables à la fibre, l’essentiel des réseaux d’initiative publique (RIP) est entré en phase d’exploitation. Plusieurs opérateurs d’infrastructure exploitant des RIP ainsi que des collectivités délégantes alertent toutefois l’Arcep sur les difficultés financières menaçant l’équilibre économique de l’exploitation de ces réseaux.

Face à ces demandes, l’Arcep a engagé des travaux avec les opérateurs et collectivités volontaires pour nous communiquer leurs coûts d’exploitation.

L’objectif est simple : accompagner le secteur en apportant une objectivation des coûts d’exploitation supportés par les RIP une fois la phase de construction achevée.

En d’autres mots : partager le même langage et mettre les bons chiffres dans les bonnes cases pour permettre des discussions objectives et sereines entre tous les acteurs.

Une nouvelle étape approche avec le lancement à l’été d’une consultation publique de l’Arcep sur un projet de catégorisation des coûts. ​​​​​Je ne peux qu’encourager tous les acteurs concernés à y contribuer. 

En menant ce chantier essentiel aux RIP, l’Autorité favorise les conditions d’une concurrence saine lors des procédures de renouvellement des DSP qui débuteront à la fin de la décennie et contribue à offrir des perspectives aux réseaux publics.

 Avec l’arrêt du cuivre, le réseau fibre va être le réseau de communication pour les dizaines d’années à venir. En quoi la qualité du raccordement est-elle déterminante pour en faire le réseau de référence ?

En effet, avec l’arrêt du cuivre en 2030, le réseau fibre est destiné à devenir le réseau de référence des communications électroniques pour les prochaines décennies. Déjà, 77% des abonnements fixes à Internet sont des abonnements fibre !

La dynamique des déploiements évoqués précédemment, et dont on peut être satisfait, ne peut s’envisager sans qualité car c’est elle qui conditionne la performance des réseaux de demain.

Par ailleurs, les évolutions qui seront apportées dans les années à venir pour plus de performances s’accommoderont difficilement de non-qualités. Préserver ce bien commun que sont les réseaux et qui ont exigé des milliards d’euros des collectivités, de l’Etat et des opérateurs, est une priorité.

La montée de la problématique de la qualité des réseaux fibre depuis 2019 est devenue très visible sur notre plateforme de signalements « J’alerte l’Arcep ». Elle concerne aujourd’hui la moitié des alertes déposées par les utilisateurs et la majorité des remontées que nous font les collectivités.

Le raccordement de l’usager est à la fois l’aboutissement des efforts de déploiements et l’étape la plus visible du grand public. Il devient principal facteur d’appréciation par le grand public du succès du Plan France THD. ​​​​​​Sur la base de ces alertes, à l’initiative de l’Arcep et du gouvernement, la filière à pris en septembre 2022 des engagements concrets visant à améliorer ses pratiques, qu’il s’agisse des standards de qualité des réseaux ou ceux des opérateurs commerciaux et de leurs techniciens. Pour vérifier cela, l’Arcep publie depuis 2023 des indicateurs de suivi de la qualité d’exploitation des réseaux en fibre optique et s’appuie également sur les remontées des utilisateurs dans le cadre de son observatoire de la satisfaction client.

L’Arcep offre ainsi aux collectivités et opérateurs un outil d’appréciation de cette qualité, autant de boussoles qui doivent guider la filière dans la bonne direction. Pour la première fois depuis 2023, le taux de pannes constaté sur les réseaux diminue. Ces améliorations notables de qualité doivent être confirmées partout sur le territoire où les standards de qualité ne sont pas encore atteints.

Je retiens toutefois que la filière a les moyens de faire mieux et que, si ces efforts se poursuivent, notre objectif commun d’infrastructures numériques de qualité sera à portée de main.

 En tant que membre du Collège de l’Arcep, quelles seraient -pour vous- les prochaines étapes, notamment infrastructures ou usages ?

 Depuis bientôt trois décennies, l’Arcep régule des réseaux d’échange (télécoms, postes, presse…) au cœur de la vie quotidienne des Français. Elle œuvre à l’amélioration continue de la connectivité fixe et mobile. L’ambition de l’Autorité est de veiller à doter le pays d’infrastructures numériques partout, pour tous et pour longtemps.

Les enjeux pour les infrastructures numériques dans les prochains mois et prochaines années sont nombreux et l’Arcep y joue un rôle déterminant. Je fais notamment référence à l’achèvement des déploiements des réseaux FttH, en insistant particulièrement sur le respect des exigences de complétude de ces réseaux.

Concernant l’arrêt du cuivre en 2030, projet structurant pour toute la filière et pour les collectivités, l’Arcep sera vigilante sur le respect par Orange du cadre de régulation avant de procéder à la fermeture. A l’approche de la fermeture commerciale du réseau dans 90% des communes françaises début 2026, une communication nationale et neutre sur ce chantier à destination des élus mais aussi du public (en particulier les entreprises et les personnes les plus éloignées du numérique) apparaît désormais opportune.

 ​​​​​En matière de couverture mobile, malgré une progression très sensible au sein des territoires ruraux métropolitains grâce au New Deal Mobile*, il demeure encore des zones blanches, qui continuent de faire l’objet d’une attention particulière de l’Arcep.

Enfin, pour ce qui est de la résilience des réseaux, leur déploiement en un temps record ne doit pas nous faire perdre de vue la nécessité de leur permanence en termes de service et plus précisément, de leur capacité à surmonter un évènement et rétablir rapidement un fonctionnement normal. L’Arcep met toute son expertise au service du gouvernement et des collectivités afin de répondre à la demande légitime des utilisateurs dans un monde de plus en plus connecté.

 ​​​​​Au-delà des sujets liés aux infrastructures numériques, l’Arcep aborde d’autres thèmes connexes : les impacts environnementaux du numérique, le Cloud, l’IA, l’économie par la donnée… autant de sujets qui intéressent également les territoires et leurs élus.

 *En janvier 2018, l’Arcep et le gouvernement ont annoncé que les opérateurs s’engageaient à accélérer la couverture mobile des territoires : c’est ce qu’on appelle le New Deal mobile.